samedi 5 septembre 2009

Départements et communes en ligne de mire

Le coup de ciseaux dans la carte de France prévu par le projet gouverne­mental risque de mettre à mal l’organi­sation institutionnelle de nos territoires.
La modernité a parfois bon dos.
Depuis plus de deux ans, Nicolas Sarkozy ne cesse de vilipender l’organisation de notre territoire en communes, départements, régions. Ce « mille feuille institu­tionnel » serait inefficace pour répondre aux besoins des Français. À ses yeux, la nécessaire « modernisation » de nos institutions s’impose ! Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, a rendu public « un avant-projet de loi relatif aux collecti­vités territoriales ». Celui-ci conduirait, en l’état et à terme, à un véritable bouleversement de l’orga­nisation institutionnelle de nos territoires, remet­tant en cause ce qui fait l’originalité de notre pays, fruit de notre histoire et des luttes du peuple fran­çais, c’est-à-dire, pour l’essentiel, la démocratie locale de proximité, avec pour corollaire, l’éloi­gnement du citoyen des lieux de décision. Contre l’avis maintes fois exprimé de l’Association des régions de France (ARF) et celle des départements de France (ADF), l’avant-projet du gouvernement prévoit, suivant les préconisations du rapport Balladur, l’élection de « conseillers territoriaux », en lieu et place des conseillers régionaux et dépar­tementaux, qui siégeraient dans les deux assem­blées.
Ce dispositif, qui conduirait à une diminution de 30 à 40 % du nombre d’élus, s’accompagne, pour ces deux institutions, de la fin de la « compétence générale », qui leur permettait, au-delà de leurs responsabilités spécifiques, de répondre aux besoins des populations. Même s’il n’est pas indi­qué, noir sur blanc, la fin des départements, ce qui demanderait une révision constitutionnelle, ce pro­jet c’est la mort programmée des départements et des communes. Pour Jean-Paul Dufresgne, prési­dent communiste du conseil général de l’Allier : « Quand je mesure aujourd’hui le rôle du départe­ment en terme de proximité sur les questions sociales, d’aménagement, de services aux popula­tions, on ne peut que s’opposer à une telle réforme. » Cet avant-projet prévoit la création d’une collectivité à statut particulier : la métro­pole. Ces entités seraient créées à partir de 500 000 habitants, (Lyon, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes et Nice sont dans ce cas). Ce niveau pourrait être abaissé pour permettre à des villes de la taille de Strasbourg d’en faire partie. Ces métropoles se substitueraient aux départe­ments sur leur territoire ; elles en récupéreraient les compétences, de même que celles des commu­nes qui les composent. Lesquelles deviendraient de simples arrondissements ou quartiers de la métropole. L’initiative de leur création en reve­nant soit à une majorité de communes soit… au préfet. De même, la carte des intercommunalités, établissements publics de coopération intercom­munale (EPCI), devrait être bouclée au 1er janvier 2014. Leur périmètre, avec regroupement éventuel de plusieurs EPCI, permettrait de former de plus importantes entités territoriales. Le tout se faisant sur la base du volontariat des villes… le préfet tranchant en dernière instance. Ces EPCI auront des compétences élargies, en lieu et place des communes qui les composent. Les conseillers communautaires seront élus en même temps que les conseillers municipaux, transformant ainsi les EPCI en collectivités territoriales de plein exer­cice. Nous passerons de la coopération entre com­munes à l’intégration dans une nouvelle entité. D’ailleurs, l’avant-projet prévoit la création de « nouvelles communes » en lieu et place des EPCI regroupant moins de 500 000 habitants. Ces nou­velles communes seraient créées sur propositions des villes concernées qui deviendraient des arron­dissements, après référendum des habitants et… décision du préfet.
Ce texte, qui sera débattu en septembre au Sénat avant de passer ensuite devant l’Assemblée natio­nale, procède d’une logique qui aboutirait, à terme, à ce dont une partie de la droite, mais pas seulement, a toujours rêvé, la disparition de ce foyer démocratique que constitue, fait unique en Europe, l’existence de 36 000 communes. Certes, chaque année, des fusions de communes se réali­sent pour faire face aux besoins des populations et au développement des territoires, mais ce qui se concocte va bien au-delà des enjeux politiciens immédiats ou la droite veut faire reculer la gauche majoritaire dans les régions et les départements. Il se dessine une tout autre organisation du territoire où il n’existerait plus que des métropoles et des nouvelles communes ou des intercommunalités et des régions. Celles-ci, aujourd’hui au nombre de 22, pourraient demain être moins nombreuses. La région parisienne n’est pas concernée. Pour cette dernière, au sujet de laquelle le président de la République est particulièrement attentif avec son projet de Grand Paris, une loi devrait être déposée à l’automne.
La réforme des collectivités territoriales, qui des­sine la France dans laquelle nous vivrons demain, permettra-t-elle de faire vivre la démocratie locale ? Avec ce projet, on peut craindre le contraire… quoi qu’il en soit, là est l’enjeu.

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