dimanche 11 octobre 2009

“Réforme” des collectivités territoriales ou coup d’État ?

“Réforme” des collectivités territoriales ou coup d’État ? En imaginant une “ réforme” de fond en comble des collectivités territoriales, un big bang institutionnel souhaité par Nicolas Sarkozy en personne, petit courtier Édouard Balladur, à la tête d’une commission éponyme, a allumé une mèche transformée en projet de loi qui n’a pas fini d’échauffer les débats.
Sous prétexte d’une réduction des coûts, supposés exorbitants, et d’une recomman­dation visant à réduire drastiquement le nombre d’élus aux prérogatives jugées trop similaires (sic), c’est en vérité une véritable profession de foi libérale contre la démocratie locale qu’on tente de nous imposer. Refonte des régions, limitation ou disparition des compétences départe­mentales, création autoritaire de onze mégalopoles transformées en mastodontes omnipotents, dont un Grand Paris fan­tasmé par l’Élysée…
Le projet, plus avancé qu’on ne le croit dans la tête des décideurs politico-finan­ciers, vise également à éloigner encore un peu plus les citoyens des lieux de pouvoir. La miniaturisation, pour ne pas dire l’éra­dication des échelons territoriaux locaux, à commencer par les communes, premier foyer démocratique du territoire, est une vieille histoire d’inspiration libérale. Depuis le traité de Maastricht, la vivacité de cette démocratie locale se trouve régu­lièrement opposée à la fameuse « effica­cité économique ».
Le thème des « grandes régions » n’est pas neuf : depuis son origine, il figure sur le fronton de la construction européenne. Les libéraux nous assurent que « seules de grandes régions », en concurrence (non faussée) entre elles, sortiront vivantes du champ de bataille économique.
Dans le cadre d’une philosophie libérale pourtant en lambeaux depuis la crise (en ce domaine, les « modèles » irlandais et espagnol ont explosé en plein vol !), Sarkozy et ses sbires du CAC 40 veulent donner tous les pouvoirs et toutes les res­sources à quelques « champions urbains » plongés dans la jungle mondiale, pousser jusqu’au bout ce mot d’ordre de « compé­titivité » que l’État emploie désormais à tout bout de champ. Transferts de charges, autonomie de gestion des universités, réduction à marche forcée des services publics, La Poste, les tribunaux d’instance ou de prud’hommes, les restructurations des services hospitaliers autour de grands établissements régionaux, etc. Une logi­que d’entreprise à l’échelle d’un pays : « l’entreprise France ». Dit autrement : une nouvelle carte de France marquée par la compétition entre les territoires et des inégalités criantes entre ces derniers…
Tandis que notre régime institutionnel souffre d’ultraprésidentialisme, ce sont pourtant les collectivités locales qui sont visées, alors qu’elles impulsent les princi­pales solidarités citoyennes… La critique de « l’empilement institutionnel » n’est donc qu’un prétexte. C’est une tentative de coup d’État à laquelle nous assistons. Une logique d’affaiblissement des contre-pouvoirs puisée dans une matrice soft-bonapartiste, voire bismarckienne. Au passage, Nicolas Sarkozy entend réussir un charcutage électoral si vaste et si anti­démocratique que notre imagination a raison d’en avoir peur… Une certaine idée de la République française est en jeu. Ni plus ni moins.

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