samedi 7 novembre 2009

Caterpillar Un livre de photos retraçant la lutte des salariés : Gueules cassées

Ils feuillettent le livre. Avec émotion. Évidemment. « C'est bouleversant, avoue Jessica Tevan, présidente de l'association "La mémoire des Caters". À travers ces images, on revit notre conflit. »

Un conflit qui a laissé 415 personnes hors champ.

Le recueil de photographies, "Les caterpillés", sorti hier soir, les ramène plein cadre.

« On dirait qu'on
est des prisonniers »
Ils se sont tous retrouvés dans la salle polyvalente Pablo-Picasso à Échirolles. Grévistes, licenciés, supporters d'une lutte sociale qui a fait mal.

Les images en noir et blanc, du photographe grenoblois Bernard Ciancia, en témoignent. Tout est lu dans ces regards, ces expressions, ces gestes. Dans ces gueules cassées, pillées. La colère, le doute, le désespoir, la complicité, la souffrance, l'inquiétude, la trahison... et la fin d'une histoire. Celle d'une grande famille, les "Caterpillar".

« C'est vraiment un coup d'arrêt, une arrestation, illustre Bernard Ciancia. C'est pourquoi j'ai photographié les licenciés avec une ardoise sur laquelle ils ont apposé leur nom, leur matricule, leur âge ou encore leur métier. » Ces portraits marquent une pause parmi les images en mouvement du conflit.

Youcef (Djamel) Kheddache, qui regarde par-dessus l'épaule, glisse « on dirait qu'on est des prisonniers ». Ce licencié de 53 ans, on le reconnaît sur plusieurs des photos. « Là, je calme mes camarades... Là, on était vraiment fatigués... C'est toute notre histoire. Elle est écrite. Il en restera une trace. »

« Ce livre, c'est aussi un lien entre nous, ajoute Alexis Mazza, dont le sort professionnel ne sera fixé qu'en janvier. Nous avons vécu des moments très forts. Une lutte des classes. Une mort sociale. Ce livre donne un regard humain, car ce conflit nous a déshumanisés. »

« Prends-nous en photo, on nous assassine... », avait lancé un gréviste au photographe. Il l'a fait. Merveilleusement bien. « Merci » lui dit Youcef qui part, l'air un peu perdu.

« Ma vie est vide. Elle a perdu de son sens ». Il a 53 ans. Il n'a plus d'emploi. Il feuillette son livre, en marchant.

Hors champ.

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