vendredi 24 septembre 2010

Trois millions : Et là, ça compte ?

Des cortèges plus fournis, des mouvements de grèves plus suivis dans le secteur privé, les syndicats parviennent, avec la journée de mobilisation du 23 septembre, à élargir la contestation contre la réforme des retraites du gouvernement.
Cent vingt mille personnes ont défilé à Toulouse, comme à Bordeaux. Ils étaient, selon les syndicats,  220.000 à Marseille et près de 300.000 à Paris, des chiffres supérieurs au 7 septembre. Globalement, les manifestations ont fait le plein hier, lors de la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites organisée depuis la rentrée. La CGT annonce plus de 3 millions de manifestants réunis dans 230 cortèges, la CFDT en comptabilise 2,9 millions, plus donc qu’il y a 15 jours. Tous ont noté comme l’a signalé Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC, « un réel renouvellement des manifestants ». Il n’y que la police pour faire baisser la statistique et comptabiliser 997.000 personnes dans les rues contre 1,12 millions le 7 septembre.
Les défilés, la plupart très dynamiques, ont rassemblé plus de salariés du secteur privé, plus de femmes, plus de jeunes, montrant que les syndicats ont atteint un de leurs objectifs : enraciner la contestation dans le secteur privé et dans des publics pour qui il n’est pas toujours facile de faire grève ou de venir manifester. « C’est  quand même un événement que de constater qu'une semaine après le vote à l'Assemblée nationale d'un texte profondément rejeté dans le pays, la première des réactions soit une présence massive dans les rues », a constaté Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT. Tandis que François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, se targue, tout sourire, d’un « pari gagné ». Pour Pierre Laurent, il est clair que « la rue a parlé et elle est unanime. » Le secrétaire national du Parti communiste estime que « le gouvernement a perdu la bataille de l’opinion ».
L’Elysée n’a pourtant pas manqué de se délecter, tôt dans la matinée, d’une « baisse sensible» du nombre de grévistes dans le secteur public. Les taux de grévistes, qui restent forts, ont effectivement légèrement fléchi. La CGT-cheminots a recensé jeudi 49,85% d’agents en grève contre 51,8% le 7 septembre (37,06% contre 42,9%) pour la direction. Chez les enseignants, le taux s'élève à 55% dans le primaire et 45% dans le secondaire selon la FSU (25,8% pour le ministère). Le nombre de  grévistes est en baisse de 5% parmi les postiers (mobilisés tout de même à 30% selon Sud). A pôle Emploi, par contre, l’appel à la grève à mobilisé autant que la dernière fois. Elle a été particulièrement suivie dans le transport aérien avec, en moyenne, 40% d’annulation de vols et jusqu’à 50% à Orly.
Si le président de la République en conclut que les Français « considèrent que tout cela est déjà derrière eux », les leaders syndicaux préviennent Nicolas Sarkozy qu’il vaudrait mieux réviser ce jugement. « Je conseillerai au gouvernement de s’inquiéter », grince jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO. Ce 23 septembre rassemble un public plus large que le 7 septembre. Il confirme le basculement de l’opinion publique contre son projet et un ancrage de la contestation dans le secteur privé. Entre 50 et 80% des personnels des six raffineries Total sont, par exemple, en grève, chiffres de la direction. En Isère, quelques 60 entreprises de la métallurgie, de Péchiney à Alcan, en passant par Caterpillar, Citroën, Thales ou Valeo ont observé entre 2 heures et une journée de grève. La CGT du commerce parisien a fait savoir que dans ce secteur la grève a été « plus suivie » que le 7 septembre, chez Monoprix, Tati ou aux Galeries Lafayette notamment. A Paris, une douzaine d’entreprises, du public comme du privé, ont organisé une manifestation pendant le pause déjeuner « parce qu’il n’est pas toujours possible de rejoindre la manifestation parisienne ». Jean-Luc Mélenchon ne s’y est pas trompé : dans le cortège parisien le président du Parti de gauche s’est félicité d’un « mouvement qui s’enracine dans le privé, là où c’est le plus dur de faire grève ».
Les responsables syndicaux tirent donc comme principal enseignement de cette journée que « la contestation grandit », selon les propos de Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU.  L’intersyndicale, qui se réunit vendredi matin devrait décider d’une nouvelle journée d’action pour samedi 2 octobre, peut-être décider d’une date supplémentaire quelques jours après, qui prennent en compte l’arrivée du projet de loi au Sénat. La discussion parlementaire devrait commencer le 5 octobre. D’ici là, les salariés sont appelés à se mobiliser, en France, dans le cadre de la journée européenne contre l’austérité organisée par la confédération européenne des syndicats.
Paule Masson

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