lundi 24 janvier 2011

Délinquance: la com’ rituelle du ministre de l’Intérieur

Par Laurent Mucchielli 

Comme chaque année, le ministre de l'Intérieur fait sa com' en annonçant au mois de janvier les prétendus « chiffres de la délinquance » de l'année écoulée. Le quotidien pro-gouvernemental Le Figaro en a eu la primeur, l'interview du ministre étant reprise sur le site officiel du ministère.
Bien entendu, les choses sont globalement positives, il ne saurait en être autrement. Depuis 2002 tout va mieux, tandis qu'avant c'était naturellement la catastrophe. En 2010, on constate des progrès qui sont entièrement dus aux décisions prises par le ministre. Et s'il reste des problèmes, soyons rassurés : le ministre a déjà pris les décisions qui s'imposaient pour 2011. On n'est pas loin d'Alice au pays des merveilles. Les choses sont cependant un peu plus compliquées

Les statistiques de police ne sont pas les « chiffres de la délinquance »

Il faut d'abord marteler ce rappel fondamental : les statistiques de la gendarmerie et de la police ne sont pas « les chiffres de la délinquance ». Elles sont le résultat de l'enregistrement des procès-verbaux dressés par ces fonctionnaires, ce qui ne représente qu'une petite partie de la délinquance. Tout ce que les policiers et les gendarmes n'ont pas su, ou bien ont su mais n'ont pas « procéduralisé », n'est pas compté. Si les victimes n'ont pas porté plainte ou que leur plainte n'a pas fait l'objet d'un procès-verbal en bonne et due forme (on les a débouté, on a fait une simple « main courante »), la délinquance n'existe pas officiellement. En outre, les contraventions (même les plus graves, de 5ème classe) ne sont pas comptées, ni les délits routiers, ni la plupart des infractions au droit du travail, au droit de l'environnement, au droit fiscal, etc.
Non, décidément, il ne s'agit pas d'un baromètre fiable et représentatif de l'évolution de la délinquance. D'autant que les policiers et les gendarmes subissent depuis 2002 une pression inédite pour produire les « bons chiffres », et qu'il existe toute une série de techniques pour y parvenir. Face à des plaintes concernant des problèmes parfois réellement bénins (dispute familiale, bagarre de cour de récréation, échauffourée entre automobilistes, vol de pot de fleurs, carreau cassé, etc.), ils peuvent décider d'agir de façon informelle ou bien verbaliser et donc faire monter la statistique. Face à des plaintes en série concernant le même auteur, ils peuvent parfois faire autant de dossiers qu'il y a de plaignants ou bien les regrouper.
C'est par exemple ce qui s'est produit cette année concernant des infractions économiques et financières. La baisse des escroqueries et abus de confiance est liée au fait que ce sont de moins en moins les particuliers qui portent plainte et de plus en plus les banques, ce qui permet de regrouper une multitude de victimes dans une même affaire.
Bref : il n'est pas sérieux de continuer à croire ou faire semblant de croire que cette statistique nous informe sur l'état et l'évolution réels de la délinquance.
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