lundi 14 février 2011

Argentine : ces travailleurs qui font de la politique


La crise argentine de 2001 a été accompagnée par un grand nombre d’occupations d’établissements, remis en production par leurs travailleurs au moment de la faillite ou de la fuite de leur patron. Le pays compte aujourd’hui plus de 200 de ces coopératives, appelées entreprises récupérées, fabriques récupérées, coopératives de travailleurs autogérés, ou encore fabriques sous contrôle ouvrier… Une telle diversité d’expressions pour désigner un même phénomène révèle la grande variété des orientations politiques traversant les expériences autogestionnaires argentines. Tour d’horizon des trois principaux1 mouvements en présence.

« Ma politique, c’est de bien faire mon travail »
Cette phrase, prononcée par un ouvrier textile de Bruckman, représente à merveille le positionnement du Mouvement National des Fabriques Récupérées par leurs Travailleurs (MNFRT), regroupant la majorité des entreprises récupérées argentines. De fait, les récupérations interviennent presque toujours sous le coup de la nécessité, et l’autogestion s’impose à des travailleurs souvent dépolitisés, voire adeptes du modèle patronal. Pour eux, l’objectif est avant tout la survie au travers de la sauvegarde de leur « source de travail » ; ce à quoi les a aidés Luis Caro² et son équipe de professionnels du MNFRT.
Contrairement à ce que laisse à croire la littérature académique, Caro n’a rien d’un horrible avocat d’affaires. Issu d’un quartier pauvre de Buenos Aires, il n’a cessé depuis son enfance de voir des fabriques fermer et des hommes se retrouver sans travail. Il a entrepris des études d’avocat après avoir travaillé comme ouvrier naval, et c’est en étudiant la loi d’expropriation que lui est apparue la solution à l’équation : fabrique inoccupée + travailleurs désœuvrés =  fabrique à récupérer. Une solution qu’il pourra expérimenter dès la sortie de ses études d’avocat en obtenant la première expropriation d’une fabrique en Argentine, en faveur des travailleurs de Gip-Metal, aujourd’hui coopérative Unión y Fuerza.
L’homme auquel est reprochée sa gestion « personnaliste », présente son mouvement comme une organisation de type social dont le but est d’améliorer le sort des travailleurs en faisant respecter leur « droit au travail ». Une action sociale philanthropique qui prétend échapper aux logiques idéologique et partisane. Caro regrette la confusion existant entre politique et partisan : tout acte humain est politique, et récupérer une fabrique est un acte politique. D’ailleurs « l’empreinte d’une coopérative est de type sociale, socialiste, voire communiste » : les fabriques du mouvement fonctionnent toutes avec des principes de démocratie directe et de salaires égaux… Mais il s’oppose à ceux qui « veulent la prise de pouvoir au travers des fabriques et entreprises récupérées » : elles sont un exemple à suivre, elles sont une alternative à promouvoir, mais elles doivent conserver leur autonomie.
 

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