mardi 13 mars 2012

« La chute de Nicolas Sarkozy ne signifiera pas la fin du sarkozysme »

Par Anthony Laurent
Qu’est-ce que le sarkozysme ? En cas de défaite du président sortant, comment tourner la page d’un quinquennat qui aura profondément divisé la France et ses habitants ? Insidieuse et pernicieuse, l’idéologie sarkozyste s’est instillée progressivement dans les esprits jusqu’à y infliger des dégâts immenses. Tel est l’analyse du magistrat Serge Portelli, vice-président au tribunal de Paris et auteur du livre Le Sarkozysme sans Sarkozy. Quelle est donc cette « pensée » qui nous gouverne ? Éléments de réponse avec un magistrat engagé.
Basta ! : Qu’est-ce que le sarkozysme ?
Serge Portelli [1] : Peut-on encore parler de sarkozysme ? La personnalisation – propre à toute élection présidentielle – rend encore plus difficile la distinction entre le régime mis en place depuis 2007 et l’exercice singulier du pouvoir par un homme. Le sarkozysme est-il un véritable concept politique susceptible de survivre à son héraut ? Ou n’est-il que la simple expression institutionnelle d’un individu, un modèle évolutif au gré de ses humeurs et de ses intérêts, voué à sa disparition en cas d’échec, promis à d’autres changements en cas de victoire ? Peut-être est-il plus facile de raisonner à partir de l’anti-sarkozysme. Beaucoup pensent que sa puissance en fera le principal moteur de l’élection à venir. La présidentielle serait un référendum. Certes, mais contre qui ? Ou contre quoi ? Anti-Sarkozy ou anti-sarkozysme ?
D’ordinaire, l’usure du pouvoir ou la lassitude de l’opinion publique sont les composantes de toute élection. La détestation d’un homme politique en est rarement le ressort déterminant. Mais les enjeux du débat sont aujourd’hui profondément politiques. La dette, l’industrie, le chômage, l’éducation, la famille, le pouvoir d’achat, la santé… autant de thèmes de société qui partagent les Français bien au-delà du comportement d’un homme. C’est un système qui est en cause. Si anti-sarkozysme il y a, ce n’est pas Nicolas Sarkozy qui horripile, mais le sarkozysme qui exaspère. On oublie souvent que son impopularité s’est installée dès 2008 et que les incessantes tentatives de « changement » de l’homme-président sont restées lettre morte. Ce n’était pas l’image qui était en cause mais le fond de la politique.
Quel est le fondement du sarkozysme ?
C’est sa conception de l’homme. Chaque discours, chaque programme, chaque promesse, chaque acte posé depuis cinq ans – mais les racines sont plus anciennes – dessinent la figure d’un homme particulier. Nous sommes toujours aux antipodes de l’humanisme et de ses valeurs de compréhension, d’espoir et de confiance. La société qu’on nous propose est celle de l’émotion, de la méfiance et de la peur au service d’un individu à la recherche permanente de la réussite, de la richesse, dans un monde de compétition acharnée. Le sarkozysme repose sur une vision frileuse et parcellisée de l’humanité où pointe toujours un ennemi potentiel. Il y a toujours un Autre inquiétant et menaçant : l’immigré, l’étranger, le chômeur, le délinquant, le fraudeur, le malade mental…
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