vendredi 2 mars 2012

Système Carignon À Vienne, les méthodes peu orthodoxes des sarkozystes

La quatrième ville de l’Isère est l’objet d’une guerre d’influence à droite. 
Pour pousser le maire, Jacques Remiller, dehors, 
un « bébé Carignon », quadra aux dents longues, n’hésite pas à instrumentaliser l’office HLM dont il a la charge.
«Un jour, des hommes sont arrivés dans notre société, ils ont pris l’entreprise pour un outil à leur service, et Advivo est progressivement devenue une annexe de parti politique. » L’intersyndicale CGT-FO-CFDT-CFTC de l’office HLM de Vienne (Isère), résumait ainsi, fin 2011, le climat « pourri » qui règne chez le bailleur social depuis l’entrée en fonction de son président, l’élu UMP Thierry Kovacs, en 2008. « Obligations réglementaires non respectées », « mépris des instances représentatives du personnel », notent les syndicats, pressions de l’encadrement (un cadre pour trois employés), « mal-être vécu au quotidien dans l’entreprise », relevé par la médecine du travail… une « œuvre de destruction systématique ». Les « méthodes habituelles et caractéristiques du harcèlement – dénigrement et désinformation, pressions, menaces » – ont porté leurs fruits : le taux d’absentéisme a triplé en trois ans, passant de 4,93 % en 2008 à 12,93 % en 2011. Dix syndicalistes (dont sept CGT) ont attaqué l’entreprise aux prud’hommes pour « harcèlement et discrimination », épaulés par l’intersyndicale. La cégétiste Lucia Da Silva, partie en dépression plusieurs mois, comme trois autres membres du CE évoquent un « malaise chronique ».
« Salariés et locataires sont pris en otages par la guerre interne de l’UMP », selon des élus de la gauche iséroise. Thierry Kovacs, « bébé Carignon » et rival déclaré du député-maire UMP de la ville, Jacques Remiller, veut approfondir son implantation : vice-président de la fédération UMP de l’Isère, il a soutenu l’élection d’un homme sûr et salarié de l’office HLM, Julien de Leiris (fils de Joël de Leiris, adjoint d’Alain Carignon à Grenoble entre 1983 et 1995) à la tête de « sa » 8e circonscription, incluant Vienne. Et ne fait plus mystère de son envie d’être candidat aux municipales de 2014 contre le maire actuel, qui lui a retiré en septembre dernier sa délégation d’adjoint, avant d’être mis en minorité au conseil municipal.
Avant d’attaquer frontalement son rival, Kovacs aurait « bunkerisé » Advivo, ce qui a permis un verrouillage de l’appareil en parallèle : l’organigramme de la société montre qu’embauches et nominations de salariés, par ailleurs cadres militants de l’UMP, se sont multipliées depuis 2008. Outre son directeur de la communication, Julien de Leiris, Levon Sakounts, chargé des projets des systèmes d’information et membre du conseil national de l’UMP, et plusieurs membres du comité UMP de la 8e circonscription viennent compléter « l’équipe politique de Kovacs », qui compte Stéphane Bon (directeur des services de proximité), neveu de l’ex-maire de Grenoble Alain Carignon, et Bernard Tepelian, proche du sénateur UMP Bernard Saugey. Erwann Binet, élu PS d’opposition, traduit, dans le Dauphiné libéré  : « Advivo est le vaisseau amiral de l’UMP locale. » Même Aurélien Willem, président des Jeunes UMP de l’Isère, soulignait, en juin 2011, au lendemain de l’élection interne départementale, « le scandale » du « système Advivo ». « Comment expliquer cette mobilisation de masse de bénéficiaires de logements sociaux ou des salariés d’Advivo ? » Contactés à plusieurs reprises, Thierry Kovacs comme la fédération UMP n’ont jamais répondu à nos demandes de réaction.
Aux scandales social et politique s’ajoutent des présomptions de favoritisme. Début mai 2009, l’organisme lance un appel d’offres pour la réalisation d’une « enquête locataires » auprès des habitants du parc HLM de Vienne. La directrice financière, et par ailleurs déléguée CFDT chargée de valider la procédure, tique : la société Newday, qui a remporté le marché, sous-traite son travail sans contrat. Le 25 mai, Françoise Erhel alerte sa hiérarchie, sans succès, semble-t-il. Le 14 juin, elle reçoit commandement de payer un acompte sur la facture rédigée le 22 mai par Denis Bonzy – ancien de cabinet de Carignon et patron de Newday –, alors qu’elle n’a toujours pas eu en main le contrat entre cette société et Advivo ! Il ne sera définitivement signé que le 12 juin. « On nous demande d’accélérer, voire d’antidater des procédures », explique un cadre sous couvert d’anonymat. La hiérarchie d’Advivo va alors tenter de discréditer l’encombrante directrice financière. Elle « monte un dossier » contre elle, pour non-respect des règles de passation des marchés d’appel d’offres et « volonté de contourner les procédures », puis le transmet au procureur de la République de Vienne.
Mais l’avocate de la salariée transmet d’autres éléments au magistrat. Et lorsque Françoise Erhel est convoquée par un lieutenant du groupe financier de la division interrégionale de la police judiciaire de Lyon, début août 2011, c’est pour évoquer… l’affaire Newday. Dans ce cadre, une perquisition au siège d’Advivo et des auditions du personnel administratif ont été menées en septembre 2011. Selon des sources proches du dossier, l’enquête est toujours ouverte et un rapport devait être rendu au procureur. En attendant, la directrice financière a été licenciée (malgré un rapport négatif après enquête de l’inspection du travail), sur décision du ministère du Travail. À Vienne, on y voit la main de puissants amis. Alain Carignon, revenu en politique comme conseiller de Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, « ne peut laisser salir » ni son ancien directeur de cabinet, Bonzy, ni « son protégé », Kovacs, qui a travaillé dans son équipe au conseil régional. « Il est inévitable que des gens se réfèrent à moi », expliquait l’ancien maire de Grenoble à l’Express, qui l’interrogeait, en octobre 2011, à propos du climat politique viennois. Il semble que son clan ait gardé la main sur tout ou partie de la politique iséroise, et qu’il entend la garder : non seulement une question de la fameuse « enquête locataires » portait sur l’image de Thierry Kovacs, mais un autre contrat, passé avec la même société, a validé « l’achat d’adresses, avec toutes les références individuelles », d’un « fichier journalistes » de 3 438 noms. De quoi nourrir des interrogations sur un éventuel lobbying pour faire valoir le « dauphin », dont une partie de la droite aimerait faire le prochain maire de Vienne en 2014.

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