mercredi 18 juillet 2012

Industrie, socle de la puissance

par Laurent Carroué
En dépit des discours sur la « société de loisirs post-industrielle » qui avaient fleuri dans les années 1990 et 2000, l’industrie joue toujours un rôle majeur dans l’organisation des territoires, la dynamique des systèmes productifs et les rapports de puissance structurant la mondialisation. En vingt ans, entre 1990 et 2010, de profonds changements sont apparus dans la hiérarchie planétaire : face au dynamisme des pays émergents et des puissances régionales, l’Europe à trente (les vingt-sept pays de l’Union européenne plus l’Islande, la Norvège et la Suisse) tombe de 36 % à 24,5 % de la production. En 2011, la Chine est devenue la première puissance industrielle du monde, mettant fin à un siècle d’hégémonie américaine.De son côté, le Brésil, désormais sixième économie de la planète (1), a devancé la France pour la production industrielle ; la Corée du Sud a surpassé le Royaume-Uni, lui-même talonné par l’Inde (2).
Ces reconfigurations géo-économiques s’expliquent par l’émergence d’une nouvelle division internationale du travail, dans le cadre d’une architecture mondiale multipolaire (3). On assiste à un déplacement géographique sans précédent des marchés, aspirant investissements, emplois, localisations d’activités (voir graphiques). Entre 1990 et 2010, les profits des deux cent vingt plus grands groupes européens réalisés dans les pays émergents sont passés de 15 % à 24 %. Les logiques de localisation des transnationales en sont bouleversées. Si les délocalisations fondées sur les différentiels de coûts salariaux perdurent, les entreprises cherchent également à répondre aux demandes des nouvelles couches moyennes urbaines solvables, alors que les revenus de celles-ci dans les pays du Nord sont bloqués. Une ruée vers les marchés des Sud a commencé.
Loin de se cantonner aux activités bas de gamme, les grands pays émergents gagnent des places dans des filières plus sophistiquées : télécommunications, aéronautique, trains à grande vitesse, nucléaire, industries navale et spatiale... Ils négocient pied à pied les transferts de technologies, réalisent un sensible effort de formation de leur main-d’œuvre et se dotent d’entreprises transnationales de plus en plus dynamiques, qui taillent des croupières aux groupes occidentaux.
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