lundi 29 octobre 2012

A contre-courant : vers une extension des zones de gratuité ?

Co-auteur d’un essai sur l’expérience de gratuité des transports publics à Aubagne, le philosophe et dramaturge Jean-Louis Sagot-Duvauroux réfléchit au sens de la gratuité comme alternative à une société de plus en plus marchande.
Jean-Louis Sagot-Duvauroux passe une bonne partie de son temps comme dramaturge au sein d’une compagnie de théâtre malienne, Blonba.
Il est aussi, en tant que philosophe, le co-auteur de « Voyageurs sans ticket. Liberté Egalité Gratuité. Une expérience sociale à Aubagne » (éd. Au diable Vauvert).
Depuis la chute du système communiste, cet auteur de nombreux essais (notamment le best-seller « On ne naît pas noir, on le devient », Albin Michel) cherche « les vraies transformations qui ne produisent pas de la tyrannie ».
Electeur assumé du Front de gauche, il aimerait surtout que la gauche française « se pose un peu plus la question de l’alternative réelle au système capitaliste en place ».

Rue89 : Pour commencer, une question qui peut ressembler à un sujet de bac philo : quelle est la valeur de la gratuité ?
Jean-Louis Sagot Duvauroux : La gratuité, c’est ce à quoi on accorde le plus d’importance dans nos vies. Par exemple, si je suis père de famille et enseignant, le fait de s’occuper des enfants des autres aura moins de valeur que de s’occuper du mien.
Ce qui est sans prix a plus d’importance que ce qui est évaluable financièrement. C’est brouillé par une obnubilation du marché. On a l’impression que ce qui n’est pas payant est sans valeur, mais en fait le sens de notre existence est sans prix.
Quand les gens se suicident au travail, ce n’est pas parce qu’ils ont des petits salaires, mais parce que leur activité n’a plus de sens. Si on supprime le sens, on supprime la vie. Les aspects essentiels de l’existence (l’amour, la santé, la haine...) ne s’évaluent pas monétairement.
Pourtant, la gratuité n’est pas dans l’air du temps, écrivez-vous....
La gratuité nous entoure en permanence : le trottoir, le lampadaire, l’école, les parcs, la PMI... tout cela est gratuit au sens de « chacun selon ses besoins » (et non selon ses moyens). Disons que l’accès à ces biens est sorti du rapport marchand.
En anglais, on dit « free », libre. Mais en français le mot « gratuit » a un sens étymologique religieux : c’est « Dieu nous a donné la grâce », la vie, sans demander de rétribution.
La gratuité recule aujourd’hui dans l’école ou la santé …

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