samedi 12 janvier 2013

La « vallée de la mort » en Normandie continue de tuer ses habitants et ses ouvriers

Par Simon Gouin
Les usines sont fermées, mais continuent de tuer. Les ouvriers qui y ont travaillé comme les habitants qui vivent à proximité. En cause : l’amiante, utilisé avant son interdiction par les entreprises Valeo, Ferodo ou Honeywell, dans cette vallée industrielle entre Calvados et Orne. Des poussières d’amiante continuent de s’échapper des usines abandonnées, contaminant eau, air et sols. Certaines entreprises refusent pour l’instant de dépolluer. Reportage dans la « Vallée de la mort », où l’amiante n’a pas fini de provoquer des cancers, dans l’indifférence générale. 
L’ancienne usine est à l’abandon, au bord d’une petite route. Des pans de murs menacent de tomber, la cheminée s’écroule, le plafond s’effondre : certains jours, les riverains entendent des éboulements. Il suffit d’un peu de vent pour qu’un nuage de poussières s’échappe alors par les vitres cassées. De la poussière d’amiante. Ancienne filature de coton, cette usine de Caligny, dans l’Orne, est exploitée dans les années 1960 par l’entreprise Valéo/Ferodo, pour fabriquer des tissus à partir de fibres d’amiante [1]. Cinquante ans plus tard, alors que la région est ravagée par les conséquences de la poussière tueuse, l’amiante est toujours présent dans cette usine du « Pont ». Et continue de polluer les alentours.
Aux premières loges : une dizaine de familles vivent à quelques mètres de l’usine. De l’autre côté de la route, Odette Goulet assiste avec inquiétude à la détérioration du site. Elle habite ici depuis 1972. Le bâtiment était alors en très bon état. Peu de gens s’inquiétaient de l’amiante. Au fil des ans, Odette a vu les conséquences de l’amiante sur la région. Son mari est mort en 2008 d’un mésothéliome, un cancer de la plèvre lié à l’exposition aux poussières d’amiante, après 24 ans de travail dans une usine de Condé-sur-Noireau, à quelques kilomètres de là. Odette Goulet voit aujourd’hui s’écrouler, en face de chez elle, les cartons remplis d’amiante qui isolaient le bâtiment. Dans une petite boite en plastique, elle a conservé un nid que son mari a trouvé dans leur jardin. « Il est constitué de fils d’amiante, explique-t-elle. Des fils qui polluent tout le terrain de l’usine. » Son mari lui a demandé de bien garder ce nid. Pour témoigner, montrer la fibre qui l’a emporté.
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