lundi 1 avril 2013

"Théologie de la libération, l’Eglise qui a fait le choix radical de participer aux combats des pauvres... "

par Michael Löwy Sociologue franco-brésilien. Directeur de recherche émérite au CNRS.
Le premier pape latino-américain, François, semble vouloir se distinguer des idées et des pratiques de son prédécesseur, en se référant à saint François d'Assise et en mettant la pauvreté au centre de son pontificat. Pour être comme elle d'origine sud-américaine, est-il proche de la théologie de la libération ? Il est permis d'en douter...
Ce qu'on désigne habituellement par théologie de la libération – un corpus de textes produits depuis 1971 par des figures comme Gustavo Gutierrez, Hugo Assmann, Frei Betto, Leonardo Boff, Pablo Richard, Enrique Dussel, Jon Sobrino, Ignacio Ellacuria, pour ne citer que les plus connus – n'est que l'expression intellectuelle et spirituelle d'un vaste mouvement social, né au moins une dizaine d'années plus tôt, qui se manifeste à travers un réseau serré de pastorales populaires (de la terre, ouvrière, urbaine, indigène, de la femme), de communautés ecclésiales de base, de groupes de quartier, de commissions justice et paix, de formations de l'Action catholique, qui ont assumé de façon active l'option préférentielle pour les pauvres.
Non sous la forme traditionnelle de la charité, mais comme solidarité concrète avec la lutte des pauvres pour leur libération. Sans la pratique de ce mouvement social – qu'on pourrait appeler christianisme de la libération –, on ne peut pas comprendre des phénomènes sociopolitiques aussi importants dans l'histoire récente de l'Amérique latine que la montée de la révolution en Amérique centrale – Nicaragua, El Salvador –, l'émergence d'un nouveau mouvement ouvrier et paysan au Brésil, ou le soulèvement zapatiste au Chiapas.
UNE RELIGION COMMUNAUTAIRE DE SALUT
Le christianisme de la libération et en particulier les communautés ecclésiales de base ne relèvent ni du paradigme d'"Eglise" ou de celui de "secte", mais plutôt de ce que le sociologue Max Weber (1864-1920) appelait en 1915 une religion communautaire de salut ; c'est-à-dire une forme de religiosité fondée sur une éthique religieuse de fraternité – dont la source est l'ancienne éthique économique de voisinage – et pouvant aboutir, dans certains cas, à un "communisme d'amour fraternel".
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