mardi 21 mai 2013

«La gauche socialiste renaît à chaque dérive droitière du Parti socialiste»

Par Philippe Marlière
Interview réalisée par Rouslan Kostiouk, à paraître dans Rabkor, une revue social-démocrate de gauche (Moscou). http://rabkor.ru/
Rouslan Kostiouk : Il a toujours existé dans le Parti socialiste en France des courants de gauche. Quels sont les principales caractéristiques de cette gauche socialiste ?
Philippe Marlière : Il a en effet toujours existé une gauche dans la social-démocratie, à toutes les époques et dans tous les pays européens. De manière générale, on peut dire que la gauche social-démocrate a tendance à connaître un certain essor, à chaque fois que la direction et la majorité du parti sont accusées de « dérive droitière » par certains de leurs camarades. C’est le cas de Marceau Pivert qui crée la tendance Gauche révolutionnaire dans la SFIO en 1935. Pendant les grèves de 36, devant les atermoiements et renoncements de Léon Blum et de Maurice Thorez, il lâche : « Tout est possible – y compris une révolution sociale ! » En 1979, peu après la victoire de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, le Parti travailliste voit se développer une aile gauche militante, dont la plupart des membres sont issus de groupes trotskystes. Des cadres jusqu’alors modérés se radicalisent, tel Tony Benn. Ces travaillistes de la gauche radicale vont tenir le haut du pavé jusqu’au milieu des années 80, même s’ils échouent à prendre le pouvoir dans le parti. Dans le PS français, la réapparition d’une gauche socialiste politisée, structurée et influente à partir de la fin des années 80, a coïncidé avec le recentrage du PS après une première période de gouvernement. Les ténors de la Première gauche d’inspiration marxiste (Lionel Jospin, Jean-Pierre Chevènement, Jean Poperen) se sont dégagés d’une problématique révolutionnaire et socialiste pour composer avec le capitalisme. L’effacement de la composante de gauche radicale au sein de la majorité mitterrandiste a laissé un espace vacant ; ce qui a permis à des cadres et des militants plus jeunes de prendre la relève. Ce fut d’abord la création de la Nouvelle école socialiste (NES) avec Jean-Luc Mélenchon et Julien Dray, puis la Gauche socialiste (GS), où ils ont été rejoints par Marie-Noëlle Lienemann, Harlem Désir puis, plus tard, Gérard Filoche.
RK : Au Congrès de Toulouse du Parti socialiste est apparu « Maintenant la Gauche », un nouveau courant de gauche. Quel est le potentiel de ce courant dans le PS et quel rôle peut-il jouer dans ce parti ?
PM : Maintenant la gauche, courant issu du congrès de Toulouse (13,38 % des voix militantes) est le nouvel avatar de cette gauche socialiste. Il n’est pas le seul courant de gauche du PS à l’heure actuelle, puisque Un Monde d’Avance, dirigé par Benoît Hamon et Henri Emmanuelli ; une autre force de la gauche du parti, a fait le choix d’intégrer la motion majoritaire auprès d’Harlem Désir. Benoît Hamon est actuellement ministre et ses partisans sont donc dans l’impossibilité de critiquer directement l’action austéritaire du gouvernement. Quand ils le font, c’est d’une manière tellement diluée et cryptique que la critique est de faible portée. Maintenant la gauche a sauvegardé son autonomie, mais sans parvenir à retrouver la force et l’influence militante qu’avait la GS jusque 2002.
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