lundi 15 juillet 2013

Samir Amin : « La chute de Morsi doit être considérée comme une victoire du peuple »

Économiste franco-égyptien et président du Forum mondial des alternatives, Samir Amin livre son analyse des derniers événements politiques survenus dans le pays.
Les militaires viennent d’écarter le président islamiste Mohamed Morsi. Cela vous surprend-il ?
Samir Amin. La chute de Morsi et du régime des Frères musulmans était tout à fait prévisible. Depuis des mois, tous les Égyptiens disaient qu’il fallait refaire un 25 janvier, date du début de la révolution égyptienne de 2011, pour nous débarrasser de la clique des Frères musulmans au pouvoir qui continuaient la même politique que celle de Moubarak, mais en plus violent, de mépris jusqu’à l’extrême de la démocratie. Une campagne de signatures a été organisée par un mouvement de jeunes pour demander le départ de Morsi. Elle a réuni 22 millions de signatures. Lorsque le nombre de signatures a dépassé les 10 millions, aucun média occidental ne l’a signalé. Si on en avait collecté la moitié dans un État comme le Venezuela, que n’aurait-on pas entendu ! Cette campagne annonçait la manifestation du 30 juin. Celle-ci a réuni dans toute l’Égypte, selon la police, 16 millions de participants. C’était encore plus impressionnant que les plus grands rassemblements de janvier et février 2011.
Comment l’expliquez-vous ?
Samir Amin. Cela signifie qu’entre les Frères musulmans, d’une part, et le reste de l’opinion, d’autre part, l’équilibre a été complètement bouleversé. Si effectivement il y a un an, au moment où Morsi a été soi-disant élu, le peuple égyptien paraissait divisé en deux (50 % pour les Frères musulmans et 50 % opposés à des degrés divers), ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. En quelques mois, la dégringolade du pouvoir a été totale. Morsi et les Frères musulmans ont fait la pire politique économique et sociale qui puisse être, encore pire que celle de Moubarak. Dans ces conditions, la chute de Morsi et des Frères musulmans doit être considérée comme une victoire du peuple égyptien.
Même si pour certains, elle revêt la forme d’un coup d’État ?
Samir Amin. Les États-Unis et l’Europe voudraient remettre en place Morsi. Pour les États-Unis, il n’y a pas meilleur serviteur que les Frères musulmans parce que c’est un gouvernement totalement impotent. C’est leur meilleure carte. C’est la raison pour laquelle, ils continueront d’évoquer la légitimité électorale de Morsi. Mais il faut savoir que les élections qui ont amené Morsi au pouvoir ont été truquées. La fraude a été gigantesque au profit des Frères musulmans. Ils ont distribué aux pauvres gens qu’ils ont fait venir pour voter pour eux, des cartons de vivres. Les Égyptiens n’ont pas pris au sérieux ces élections. Les juges égyptiens eux-mêmes se sont retirés des bureaux de vote parce qu’ils étaient occupés militairement par les Frères musulmans. Malheureusement, la Commission des observateurs internationaux n’a pas vu cette fraude. Ce régime ne bénéficie d’aucune légitimité démocratique. L’armée a proposé à Morsi un compromis qui consistait en un remaniement ministériel, soit une sorte de gouvernement d’union nationale. En refusant ce compromis, il a invité la seule puissance armée à le déposer. Je n’appelle pas cela un coup d’État même s’il y a eu intervention de la force armée.
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