mercredi 26 mars 2014

Rendez-vous manqué de la gauche et de la politique locale

Votée en décembre à l’Assemblée nationale, la loi sur les métropoles constitue le dernier avatar des institutions intercommunales apparues dans le sillage des réformes de décentralisation. Censées rapprocher les élus des citoyens, ces structures fonctionnent en fait dans une grande opacité. L’esprit de consensus qui y règne estompe les clivages politiques et permet la confiscation du débat au profit d’une technicisation de l’action publique.
par Fabien Desage et David Guéranger
La commune, cellule de base de la démocratie. Qui n’a pas entendu ou repris à son compte cette idée aujourd’hui largement admise ? Les chiffres semblent parler d’eux-mêmes : le nombre d’élus municipaux oscille autour d’un demi-million, soit 99 % des élus en France. Issus des trente-six mille six cent quatre-vingts communes du pays — plus que celles du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de l’Italie réunis —, ils assureraient un travail de représentation politique « au plus près des citoyens ». Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer l’attachement des Français à l’institution municipale, sans cesse réaffirmé au gré des sondages. Si les arguments ne sont pas nouveaux, ils ont été consacrés par les nombreuses lois de décentralisation adoptées depuis trente ans, le plus souvent sans débat politique.
Dernière en date, la loi sur la modernisation de l’action publique territoriale et l’affirmation des métropoles (1), examinée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale en décembre, ne fait pas exception à la règle : elle est passée presque inaperçue. Destinée à « aménager », « rationaliser » et « moderniser » l’action publique locale, elle poursuit l’œuvre entreprise par les lois-cadres de 1982 et 1985, puis approfondie par la mise en place de l’intercommunalité à partir de 1992 (lire « Une révolution silencieuse ») et par la réforme des collectivités territoriales en 2010.
La décentralisation semble ainsi largement insensible aux alternances politiques. Quel parti s’opposerait à la nécessité de « rapprocher la décision du citoyen » ? Qui contesterait aux élus locaux — et en premier lieu aux maires — la défense d’une citoyenneté et d’un « lien démocratique » mis à mal au niveau national ? Cet unanimisme assourdissant connaît toutefois une exception : le Front national (FN), qui a beau jeu de monopoliser la critique de la décentralisation en dénonçant la « gabegie » financière, le renforcement des « baronnies » et des « féodalités » locales, ou encore l’« éclatement » du cadre national (2). La critique est d’autant plus confortable que le parti, qui ne comptait que soixante-dix élus après les élections municipales de 2008 (3), est faiblement implanté dans les exécutifs locaux.

Qui n’a pas son tramway ou son écoquartier ?

Pourquoi les principales formations de gauche, dont le Parti communiste français (PCF), Europe Ecologie - Les Verts (EELV) et le Parti socialiste (PS), ont-elles déserté le champ de la critique, l’abandonnant à l’extrême droite ? Comment se sont-elles converties à ce qui s’est avéré une conception du local globalement dépolitisée, centrée sur la défense des « territoires » ? Répondre à ces questions oblige à esquisser une histoire aux allures d’« étrange défaite ».

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