samedi 28 juin 2014

Si la gauche veut renaître

Saïd Benmouffok, professeur de philosophie et conseiller municipal socialiste à Mantes-la-Ville (Yvelines), répond au premier ministre, Manuel Valls : la gauche est déjà morte. « Plus personne ne sait où la gauche veut nous mener, ni où elle devrait aller. Nous avons perdu le sens de l’agir en commun. Nous ne savons plus quoi faire ensemble...»

Manuel Valls a tort. La gauche n'est pas menacée de disparition, elle est déjà morte. En effet, si la mort est définie comme la séparation de l'esprit et du corps, alors la gauche a disparu depuis bien longtemps. Certes, en guise de corps il lui reste des troupes militantes et électorales, aujourd’hui sévèrement diminuées, et qui étaient capables jusqu’en 2012 de gagner des élections. Mais son esprit n'est plus qu'une somme de souvenirs et d’idées entretenues dont la vivacité s'estompe un peu plus chaque jour. Cependant, la gauche, comme les amours mortes, n’en finit pas de mourir, et son fantôme pourrait faire illusion encore quelques temps sur la triste scène politique. Le seul problème est de savoir si elle pourra renaître de ses cendres.
L’achèvement de deux siècles d’histoire
Depuis la Révolution française, la gauche a toujours été porteuse d’une ambition : le projet d’une société juste et harmonieuse, dans laquelle l’homme se conduirait non plus comme un prédateur, mais comme un humain envers son prochain. Il fut un temps où des âmes fortes trouvaient un sens à sacrifier leur vie pour cette cause. Ce fut au commencement le combat des révolutionnaires contre l'Ancien Régime. Au XIXe siècle, la gauche porta le flambeau des libertés individuelles contre l'Etat autocratique. Puis avec l'avènement du socialisme, ce fut la lutte pour l'émancipation du genre humain contre le capitalisme. Cette ambition a pu justifier le pire dans l’histoire moderne. Mais elle a aussi porté le meilleur. Il existait des querelles sur les moyens politiques: réforme ou révolution? Avec l'Etat ou la société? Dans les institutions ou en dehors? Mais l'horizon historique était alors le même pour tous. Et la foi en l'émancipation humaine unissait les hommes de gauche comme des frères d'arme.
En 1936, le Front populaire était habité par cet esprit, même s'il s'est vite écrasé, comme dans les années vingt, sur « le mur de l'argent ». En 1981, le peuple de gauche voulait encore y croire. Changer la vie, c’était en finir avec ce monde du capital qui corrompt les hommes. En 2012, le candidat socialiste emporta la faveur de son camp lors d’un discours désignant le monde de la finance comme son adversaire. Preuve s’il en fallait que les étoiles continuent de briller pour les hommes longtemps après avoir cessé d'être. Personne ne croit aujourd’hui qu'on changera la vie, mais on a au moins changé de président.

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