vendredi 4 juillet 2014

Gattaz répond à côté de la plaque, l’Humanité maintient

Par Thomas Lemahieu
Après nos révélations, le patron des patrons fait une présentation tronquée des résultats de son groupe. L’objectif ? Minorer les profits pour justifier la dégringolade, de 25 % à 3 %, des impôts payés en France…
«C’est un monument de rigolade, cet article de l’Humanité. J’adore. » Président du directoire de l’entreprise familiale Radiall et numéro un du patronat français, Pierre Gattaz a donc « adoré » – c’est sur l’antenne de France Info qu’il l’a dit mardi soir – nos révélations sur les procédés d’optimisation qui permettent à son groupe de réduire à néant, ou presque, sa contribution fiscale en France, tout en bénéficiant de crédits d’impôt et en multipliant les dividendes (lire notre édition du 1er juillet).
Après n’avoir pas donné suite, lundi, à nos sollicitations avant parution, après avoir fait le dos rond, mardi, pendant une partie de la journée – au Nouvel Obs, son entourage s’est juste dit « surpris par l’interprétation des chiffres » –, Pierre Gattaz a fini, devant le buzz, par retrouver sa langue. En guise de « réponse » à nos informations, il a posté sur son blog (1) un billet narquois en forme de « petit cours d’économie pour débutants ». Au-delà de sa « fascinante affirmation » selon laquelle un impôt, ou un crédit d’impôt comme le Cice (crédit d’impôt compétitivité emploi) ne serait pas de l’argent public (lire ci-contre), le président du Medef ricane un peu et raille beaucoup en mettant en avant une série de données comptables différentes des nôtres, aussitôt reprises par nos confrères mais passablement tronquées. De quoi permettre à l’AFP qui, plus tôt dans la journée, avait diffusé l’essentiel de notre enquête, de faire machine arrière en titrant une dépêche : « Gattaz répond point par point aux accusations de l’Humanité sur son entreprise ».

Le problème pour Pierre Gattaz – et ceux qui choisiront de le suivre aveuglément –, c’est que rien de ce qu’il avance ne remet en cause les révélations de l’Humanité. C’est d’ailleurs logique à partir du moment où le patron de Radiall choisit d’éluder complètement la question, centrale dans notre enquête, des prix de transfert, ce mécanisme d’optimisation fiscale qui, à la faveur des flux de biens ou de services entre les filiales implantées dans le monde entier, permet aux groupes d’affecter les marges aux bureaux de vente à l’étranger qui bénéficient des régimes fiscaux les plus avantageux. Les données contenues dans les rapports annuels du groupe Radiall sont explicites et incontestables – et d’ailleurs Pierre Gattaz ne les conteste pas : la part de la contribution fiscale payée par Radiall en France est passée, entre 2010 et 2013, de 25 % à 3 % ; 202 000 euros ont ainsi été versés au titre de l’impôt sur les bénéfices dans l’Hexagone (sur 6 millions d’euros d’impôts au total dans le monde) ; les crédits d’impôts, Cice compris, ont ­dépassé les 2 millions d’euros pour l’année 2013 ; pour un montant de 2,8 millions d’euros en 2014, les dividendes, au bénéfice quasi exclusif de la famille Gattaz, ont presque doublé en quelques années.

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