vendredi 10 octobre 2014

Seuils sociaux : le gouvernement a ouvert la boîte de Pandore

En lançant le débat sur cette « réforme », le gouvernement a pris à revers sa majorité. Au point que le Parti socialiste lui-même s’oppose à cette orientation. La responsabilité est rejetée sur les syndicats et le patronat qui ouvrent des discussions aujourd’hui.

Le Medef entend profiter des discussions qui s’ouvrent aujourd’hui sur le « dialogue social » pour enfoncer le clou de sa stratégie de démolition des droits des salariés. Un des grands acquis de Mai 68, la création des sections syndicales, est un obstacle posé à l’assujettissement de tout et de tous au primat de la finance, dès lors que le grand patronat entend substituer l’échelon de l’entreprise et de la branche à celui de la loi. L’argument selon lequel les « seuils sociaux » autorisant la représentation du personnel seraient un « verrou » pour l’emploi est repris par Manuel Valls, qui met le pistolet sur la tempe des syndicats en promettant une loi si la « négociation » n’aboutit pas. Saluée encore hier par l’UMP à l’Assemblée, cette ligne gouvernementale est mise en question, si ce n’est contestée, dans le champ de la gauche politique et sociale, depuis la fondation Terra Nova jusqu’à la CGT et la CFDT, qui ont repris langue mercredi au plus haut niveau et pourraient retrouver là un terrain de convergences dans l’intérêt du monde du travail.
Gros sabots et pieds dans le plat, c’est le ministre du Travail lui-même qui a ouvert le feu. C’était en juin, François Rebsamen se disait prêt à « suspendre pour trois ans » les seuils au-delà desquels les entreprises doivent s’acquitter de nouvelles obligations. Certes l’ancien maire de Dijon et président du groupe socialiste au Sénat est plus connu pour ses penchants droitiers que pour sa finesse d’esprit, mais de là à reprendre telle quelle une vieille revendication de l’UIMM, l’une des branches les plus radicales du Medef, il y avait un gouffre que l’occupant de la rue de Grenelle a allègrement franchi. Dérapage d’un habitué de la glissade mal contrôlée ? Hélas, non. En plein mois d’août, François Hollande appuyait les orientations de son ministre, appelant à « lever les verrous » que représentaient selon lui ces fameux « seuils sociaux ».
Partager la décision, le patronat n’en veut pas
De quoi s’agit-il ? Simplement des effectifs à partir desquels les entreprises doivent se tenir à de nouvelles obligations. Pour les plus connus, il y a le seuil des 10 salariés au-delà desquels sont obligatoirement mis en place des délégués du personnel ; et celui de 50, qui oblige l’entreprise à constituer un comité d’entreprise et un CHSCT. Il existe d’autres « seuils » intermédiaires, obligeant par exemple à ouvrir un réfectoire, ou un local syndical partagé, à informer ou à employer 6 % de travailleurs en situation de handicap. Des mesures de protection et de représentation des salariés. Rien de plus, rien de moins. Mais voilà, partager l’information et a fortiori la décision, le patronat n’en veut pas.

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