jeudi 9 juillet 2015

Grèce: les raisons d'une passion française

Par Etienne Balibar
Comme les Grecs dans leur immense majorité, les Français sont pour la construction européenne, mais ils la veulent tout autre.

Pourquoi les Français suivent-ils les épisodes successifs de la «crise grecque» avec une telle passion, comme si leur propre sort en dépendait ? Mais c’est qu’il en dépend. Chacun d’entre nous a ses raisons personnelles, professionnelles, intellectuelles. Mais le fond est politique : c’est l’actualité de la politique, sa résistance à la «gouvernance», sa capacité de reconquérir la place qu’elle doit occuper dans une société d’hommes libres.
Voilà cinq hypothèses, que je crois partageables, mais dont je suis seul responsable.

La première c’est que les citoyens français (et d’autres) ont suivi avec passion le combat intelligent, obstiné, courageux, d’un gouvernement et de ses dirigeants, décidés à respecter le mandat dont ils avaient été investis. Nous avons progressivement compris que l’objectif des «institutions» et de la «grande coalition» qui gouverne en ce moment l’Europe n’était ni de sortir la Grèce de la catastrophe dans laquelle l’ont plongée les «plans d’aide», ni de l’aider à réformer ses structures «corrompues» mais de les acculer à une renonciation humiliante, pour que l’exemple ne fasse pas tache d’huile. A l’occasion du référendum, ils ont aussi compris que les informations diffusées par Bruxelles, par l’Eurogroupe, etc. et majoritairement relayées par notre presse, étaient biaisées. Il y avait des alternatives !

La seconde, c’est qu’ils sont en train de prendre la mesure du problème de réactivation de la démocratie, dont dépend la légitimité des pouvoirs qui nous représentent dans chaque pays et en Europe. Les Grecs donnent un exemple et ils posent un problème, auquel, bien sûr, ils ne peuvent pas apporter de solution seuls. L’argument martelé depuis des semaines : «La volonté populaire d’une nation ne peut prévaloir contre les traités», est devenu : «Elle ne peut prévaloir contre la volonté de 18 autres nations.» C’est vrai. Encore faudrait-il que celles-ci soient consultées, dans les formes actives qui viennent d’être mises en œuvre par Tsípras et son gouvernement. Le niveau d’exigence démocratique est en train de monter en Europe.
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