dimanche 21 août 2016

Les cars Macron, ou le transport à deux vitesses

Bus Un an après la libéralisation totale du transport par car au détriment du rail, instituée par la loi Macron, la note finale pourrait s’avérer salée pour les usagers. Elle l’est déjà pour la SNCF.
Les « bus Macron » tracent leurs routes en France. Des autocars privés à bas prix s’implantent dans le paysage depuis l’adoption de la loi du locataire de Bercy il y a un an, en desservant plus de 180 villes françaises. Avec 3 300 départs et arrivées par jour, 3,8 millions de passagers ont été transportés depuis l’été dernier. Mais la libéralisation du transport en bus se fait aussi au détriment des usagers. Un temps de trajet à rallonge, des sièges peu confortables, une promiscuité avec le voisin de route… Un transport collectif à deux vitesses, favorisé par la loi du ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, dont s’inquiète Gilbert Garrel, secrétaire général de la CGT cheminots : « Macron a créé des moyens de transport différents selon les catégories sociales. Les personnes les plus en difficulté prennent le bus, car elles ne peuvent plus se payer de billets de train. L’État se désengage de sa mission d’assurer un service public ferroviaire accessible à tous. »

« La SNCF va débourser 5 millions pour combler le déficit »
Les retombées économiques sur l’emploi, elles, sont bien maigres. Avec la création de 1 500 postes en un an, la barre des 10 000 emplois que faisaient miroiter les tenants de la réforme est encore bien loin. Mais qu’importent ces faibles résultats, Thibault Lanxade, vice-président du Medef, continue de juger cette loi comme « une avancée majeure, (car) c’était un monopole de la SNCF », se targuant ainsi d’avoir « réussi à libérer le transport ». De fait, cette libéralisation des cars menace la préservation du service public ferroviaire qu’ils concurrencent, quitte à le faire à perte. La SNCF a elle-même développé des lignes de bus, avec sa filiale low cost Ouibus, qui concurrencent ses propres trains. À des kilomètres de cette stratégie, le syndicaliste cégétiste préconise « la mise en place d’une complémentarité des transports avec les bus, les TGV, les TER, pour qu’ils soient propres et efficaces pour la société. La solution ne réside pas dans le fait de mettre en concurrence le train et les bus ou d’abaisser les normes sociales dans tous les transports », insiste-t-il. D’autant que Ouibus fragilise les comptes de l’entreprise. « La SNCF va débourser cette année 5 millions pour combler le déficit de la filiale », estime encore Gilbert Garrel. Lancé en 2012, IDbus (aujourd’hui rebaptisée Ouibus) a déjà causé 40 millions d’euros de pertes à la SNCF, sans compter le déficit de 2014, qui n’a pas été publié. Car, depuis un an, les compagnies se livrent une guerre sans merci pour se tailler la plus grosse part de marché. À ce stade, deux entreprises raflent la mise : FlixBus (groupe allemand), qui revendique 1,6 million de passagers, et Ouibus (filiale française de la SNCF), 1,5 million. Isilines (Transdev, une multinationale française) est à la traîne avec 600 000 billets vendus. Au jeu de la libéralisation, la concentration des opérateurs n’est jamais bien loin : le géant Flixbus a ainsi racheté, le 1er juillet, des activités européennes de la compagnie britannique Megabus, tandis que son concurrent français, Ouibus, a annoncé un partenariat avec Starshipper, un réseau de PME de transport aux niveaux régional et local.
Quant aux offres alléchantes visant à séduire des usagers au pouvoir d’achat limité, elles pourraient ne pas durer. À 5 euros le billet pour un trajet Paris-Lyon, l’autocar défie pour l’heure le train et le service de covoiturage. « Les opérateurs ont d’abord attaqué le covoiturage en pratiquant un discount de 20 %, analyse Yann Raoul, président du site Kelbillet, qui compare les offres de transports. On observe déjà des tentatives d’augmentation. Mais elles sont éphémères. » « Les entreprises ne peuvent pas vivre au niveau de prix actuels », ajoute Roland de Barbentane, directeur de Ouibus, qui mise sur « un objectif de rentabilité à trois ou quatre ans ». Les compagnies pourraient profiter des pics de départ à la Toussaint ou à Noël pour augmenter leurs tarifs, au bonheur des usagers.

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