dimanche 15 janvier 2017

Afrique. Les adieux françafricains de François Hollande

François Hollande, le 19 septembre 2013, à l’aéroport de Bamako, venu assister à la cérémonie d’investiture d’Ibrahim Boubacar Keïta, élu le 11 août président du Mali.
L’hôte de l’Élysée participe à son dernier sommet Afrique-France, qui s’ouvre aujourd’hui à Bamako, quatre ans presque jour pour jour après le déclenchement de l’opération Serval au Mali.
Le sommet Afrique-France qui s’ouvre vendredi à Bamako est-il, quatre ans presque jour pour jour après le déclenchement de l’opération Serval au Mali, un « coûteux monument éphémère à la gloire du renouveau de l’interventionnisme militaire français » ? Ce jugement revient à l’association Survie, qui brosse, dans un rapport intitulé « Cinq guerres pour un empire », un bilan sévère de l’ingérence militaire française en Afrique.
Point de départ : l’opération l’Harmattan, engagée par Nicolas Sarkozy en Libye en 2011, après les déboires d’une diplomatie française empêtrée dans les bévues tunisiennes de Michèle Alliot-Marie. La démonstration de force franco-britannique sous le drapeau de l’Otan a moins pour but de « sauver les populations civiles » de Benghazi que de déboulonner Mouammar Kadhafi, auquel Nicolas Sarkozy, quelques mois plus tôt, déroulait le tapis rouge à Paris. Début d’un engrenage infernal avec, analyse Survie, « un enchaînement en cascade des opérations, l’une amenant l’autre par ricochet », après l’alternance de 2012. Sous le parrainage des États-Unis, qui poussent Paris et Londres en première ligne, l’effet déstabilisateur de la guerre en Libye ne tarde guère à se faire ressentir sur le continent. Des combattants touareg de l’armée de Kadhafi regagnent le nord du Mali, avec armes et bagages. De quoi rallumer un irrédentisme latent.

Gbagbo tombe, tandis que la guerre secrète de Paris au Sahel s’aiguise

Au même moment, l’opération Licorne, en Côte d’Ivoire, joue un rôle décisif dans la crise postélectorale qui secoue ce pays. Dans cette affaire, la France a son poulain, Alassane Ouattara, ex-directeur Afrique du FMI. Paris mobilise le même argumentaire « humanitaire » qu’en Libye. Agitant le spectre d’un massacre imminent des populations civiles par le clan de Laurent Gbagbo, l’ex-puissance coloniale appuie l’offensive de l’armée de Ouattara, composée d’ex-rebelles du Nord. Troupes soutenues par les casques bleus de l’Onuci et les forces françaises, en dépit des massacres perpétrés dans l’ouest du pays, comme à Duékoué. Auparavant, la France avait joué de tous les leviers – médiatique, diplomatique, économique –, entravant l’accès du régime de Laurent Gbagbo au système bancaire, qu’elle contrôle toujours via le franc CFA, la monnaie régionale directement liée à la Banque de France et à Bercy.
Gbagbo tombe, tandis que la guerre secrète de Paris au Sahel s’aiguise. Dès 2008, avec la recrudescence des enlèvements d’Occidentaux par al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), l’armée française s’est engagée, avec l’opération Sabre, dans une guerre sans merci contre les groupes armés sillonnant la région. Prélude à l’implantation de bases militaires permanentes longtemps refusées par Bamako et Niamey. Au printemps de 2012, au Mali, le coup d’État militaire et l’effondrement du régime d’Amadou Toumani Touré, rongé par la corruption, offrent aux Français une occasion rêvée de resserrer leur emprise militaire sur le pré carré ouest-africain. L’offensive des indépendantistes touareg du MNLA, soutenus en sous-main par Paris, se solde finalement par la conquête des principale villes du nord par une hétéroclite coalition d’irrédentistes et de groupes islamistes armés, Ansar Dine, Mujao, Aqmi. L’Élysée met alors en scène l’improbable conquête de Bamako par les djihadistes. François Hollande joue les chefs de guerre. C’est l’opération Serval, qui se mue bientôt en opération Barkhane, étendue sans consultation du Parlement à toute la bande sahélo-saharienne, avec une réorganisation globale des forces militaires françaises déployées dans la région. Le président français reprend la rhétorique bushiste de « la guerre contre le terrorisme ». Les groupes islamistes sont chassés de Kidal, Gao, Tombouctou ; Hollande crie victoire et, pourtant, la situation est loin d’être stabilisée. À ce jour, la Minusma, déployée au Mali, reste l’opération onusienne qui enregistre les pertes les plus lourdes, et les soldats français ne sont pas épargnés.

Paris joue un jeu trouble en laissant faire les rebelles de la Seleka

En République centrafricaine, c’est le même bourbier. Dans ce pays emblématique de la Françafrique, Paris joue un jeu trouble, laissant d’abord faire, à la demande du dictateur tchadien Idriss Déby Itno, les rebelles de la Seleka qui chassent le président François Bozizé du pouvoir. Avant de couvrir de sa bienveillance les exactions des milices anti-balakas. Au total, juge Survie dans son rapport, « la France s’embourbe dans une guerre civile où elle est à la fois juge et partie ». Sans parler des accusations d’abus sexuels sur mineurs pesant sur des soldats de l’opération Sangaris.
La grand-messe de Bamako, baptisée avec arrogance Sommet pour le partenariat, la paix et l’émergence, ne tirera pas le bilan de ces désastreuses guerres françaises sur le continent africain. Au mois de février 2012, à Tombouctou, François Hollande se mettait en scène en 334e saint de la légendaire cité des sables pour crier victoire. Loin de l’Élysée, il aura tout le loisir de méditer sur des défaites françaises aux dangereuses répliques.
La CGT indésirable au Tchad
Sous le règne du dictateur Idriss Déby Itno, il faut montrer patte blanche pour se rendre au Tchad. Les membres d’une délégation de la CGT l’ont appris à leurs dépens : alors qu’un mouvement social secoue le pays depuis bientôt cinq mois, ces syndicalistes français, qui entendaient apporter leur soutien aux grévistes tchadiens, ont essuyé deux refus de délivrance de visas. La première fois au mois de décembre, la deuxième fois début janvier. Motif invoqué, sans ciller, par le premier conseiller de l’ambassadeur du Tchad à Paris en présence d’Alain Delmas, responsable Afrique au secteur international de la CGT : « Les syndicalistes ne sont pas les bienvenus. »

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