dimanche 7 mai 2017

Second tour. Préserver la République, condition préalable à la riposte sociale

Une défaite de Marine Le Pen à la présidentielle, pour laquelle se mobilise la France républicaine, ne dégagerait pas complètement l’horizon. Le parti d’extrême droite doit être désarmé, y compris aux élections législatives. Comme les politiques qui le promeuvent.


D’abord et avant tout battre Le Pen. Avec le bulletin Macron. Sans hésitation… et sans illusion. Dès le soir du premier tour, le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, appelait à tout faire pour que l’héritière du parti d’extrême droite ne soit pas élue présidente. Une démarche qu’il précisait le 26 avril : la battre « le plus largement possible » le 7 mai, pour mieux « construire, dès le lendemain, des victoires aux élections législatives dans le maximum de circonscriptions pour pouvoir combattre résolument les choix libéraux d’Emmanuel Macron ».
Depuis plusieurs jours court sur la Toile cet extrait de Contre le fascisme : 1922-1940, de Léon Trotski, qui résume l’état d’esprit de nombreux électeurs de gauche : « Si l’un de mes ennemis m’empoisonne chaque jour avec de faibles doses de poison, et qu’un autre veut me tirer un coup de feu par-derrière, j’arracherai d’abord le revolver des mains de mon deuxième ennemi, ce qui me donnera la possibilité d’en finir avec le premier. » Tout est question de priorité. Si Marine Le Pen doit être battue, c’est qu’elle porte un projet autoritaire de nature fasciste, qui se lit dans son aversion pour l’étranger (lire notre édition d’hier), mais plus encore dans cette citation de Gilles Lebreton, conseiller de la candidate frontiste, interrogé par le Canard enchaîné : « Si la nouvelle assemblée nous est hostile, nous changerons la loi électorale par un référendum organisé dès l’été prochain, puis la présidente dissoudra l’Assemblée nationale. » La nouvelle serait élue selon les règles édictées par le FN dans sa révision constitutionnelle : proportionnelle intégrale avec « prime majoritaire de 30 % des sièges à la liste arrivée en tête ». La démocratie au pied-de-biche en quelque sorte…
Dans la foulée de l’élection présidentielle, le retour d’un groupe FN à l’Assemblée nationale, comme entre 1986 et 1988, serait une très mauvaise nouvelle. Même une poignée d’élus d’extrême droite négociant ses votes, pour un budget de l’État par exemple, pourrait obtenir des garanties pour l’application de sa propre politique. Au Danemark par exemple, « pendant dix ans, en échange du soutien (du Parti populaire danois, troisième parti du pays – NDLR) indispensable pour gouverner, la majorité (Venstre, parti libéral – NDLR) a fait appliquer des mesures ultraradicales sur l’immigration jusqu’alors jamais vues en Europe », notaient les auteurs du documentaire le Populisme au féminin, sorti fin 2013. La priorité nationale votée malgré un FN minoritaire ? Possible…

La logique de précarisation des travailleurs...

Enfin, la légitimation d’une opposition Front national sans rapports de forces avec une gauche revendicative dédouanerait les libéraux, de droite ou de gauche, qui pourraient poursuivre des politiques antisociales au nom du « moins pire », dans la continuité de celles menées sous les quinquennats Sarkozy et Hollande. Ils n’auraient pas trop à se forcer, à lire les prises de position frontistes au moment du débat parlementaire sur la loi El Khomri. Car si Marine Le Pen, ces derniers jours, répétait tout le mal qu’elle pense de cette loi qu’elle dit vouloir « abroger », ses représentants au Sénat, Stéphane Ravier et David Rachline, avaient déposé des amendements renforçant la logique de précarisation des travailleurs : suppression aussi bien du compte pénibilité que de l’article sur le harcèlement sexuel, doublement des seuils sociaux (de 50 à 100 salariés) afin de repousser une meilleure prise en considération des salariés, réduction à deux mois de la période de difficultés économiques permettant les licenciements du même nom, défiscalisation des heures supplémentaires, exonération des cotisations sociales… Preuve que quand le FN s’active dans l’Hémicycle, le sort des travailleurs est sacrifié au bien-être du capital. Dans les villes qu’il dirige, c’est la même logique qui est à l’œuvre. À contresens de la communication frontiste sur sa gestion (« Choisir une mairie FN, c’est l’adopter », dit-il), celles et ceux qui vivent au quotidien les humiliations et la chasse aux pauvres racontent pour l’Humanité l’avenir en brun que nous promet Marine Le Pen.

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