dimanche 12 novembre 2017

Le système organise l’enrichissement indécent de quelques privilégiés

Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur votre action contre l’évasion fiscale.
Monsieur le Premier ministre, il est temps d’agir. Le constat est là : les marchés financiers ont pris le pouvoir ; c’était l’objectif premier de la mondialisation financière. L’optimisation fiscale, c’est le vol organisé de centaines de milliards, fruit du travail de l’humanité détourné de l’économie réelle. Alors que l’austérité est la règle, le système organise l’enrichissement indécent de quelques privilégiés.
C’est ainsi que 455 milliards d’euros sont mis à l’abri de l’impôt à Jersey, en Europe, les jets privés se reposent sur l’île de Man, les yachts défiscalisés voguent tranquillement autour de Malte…
Sommes-nous dans des îles paradisiaques sous les tropiques ? Non, nous sommes en Europe, monsieur le Premier ministre. Pays-Bas, Luxembourg, Autriche et d’autres sont des îlots de tranquillité fiscale au sein même d’une entité que vous êtes censé diriger. Mais ce n’est pas vous qui dirigez, puisque ce sont les marchés qui sont aux manettes.
Il faut agir vite, car c’est la démocratie qui est en jeu lorsqu’un tel pillage s’amplifie avec le consentement des gouvernements.
On nous dit que tout cela est légal… La bonne affaire ! Pourquoi alors tant d’opacité ? L’impunité doit cesser pour que des sanctions puissent être engagées contre les individus identifiés qui pratiquent l’évasion fiscale !
Allez-vous enfin faire sauter « le verrou de Bercy », ce mécanisme qui protège ces financiers voyous ? Allez-vous demander des sanctions, des vraies, contre les États qui, en Europe, organisent l’évasion fiscale ? Allez-vous, enfin, monsieur le Premier ministre, soutenir la proposition pour la tenue d’une COP fiscale dans les plus brefs délais ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente Assassi, je ne partage pas tous les termes que vous employez dans la question que vous posez, mais je vous rejoins volontiers sur trois points.
Le premier, c’est que nous ne pouvons pas accepter la fraude fiscale. La fraude fiscale remet en cause, aussi sûrement que ceux qui contournaient les obligations du service national lorsqu’il existait, le pacte républicain. Donc, nous ne devons pas l’accepter, et nous devons lutter contre la fraude fiscale, j’en suis convaincu.
Je vous rejoins également sur le point suivant, à savoir que pour lutter efficacement contre la fraude fiscale, nous devons mettre en place une coopération internationale.
Enfin, je vous rejoins sur le point sur lequel, pour être efficaces, nous devons avoir les instruments nationaux au service d’une coopération internationale.
Une volonté, une administration compétente, une coopération internationale : je crois, madame la présidente, que nous avons cette volonté, que nous avons cette administration et que nous mettons en œuvre cette coopération internationale, et je voudrais vous en donner quelques illustrations.
S’agissant de la volonté, la France est le pays qui, après la publication des « Panama papers », qui était le premier épisode, si j’ose dire, de ces révélations, a déclenché le plus grand nombre de contrôles. Si l’on compare aux autres États, c’est la France qui a déclenché le plus grand nombre de contrôles et de demandes de renseignements.
Sur les instruments, nous avons une administration, l’administration fiscale, dont je veux souligner la très grande compétence et le très grand souci d’être à la fois dans le contrôle et dans le respect de la loi. C’est bien la moindre des choses pour une administration, me direz-vous. C’est vrai, mais j’y insiste. L’administration fiscale n’est pas une justicière. Elle ne doit pas dénoncer l’immoralité. Elle doit faire respecter la loi fiscale, toute la loi fiscale, mais rien que la loi fiscale.
Cette administration est compétente et nous contribuons à lui donner de plus en plus d’instruments. Sous l’autorité du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, nous veillons à ce que les moyens soient donnés à l’administration fiscale pour qu’elle puisse remplir sa mission. C’est le sens de toute une série de mesures qui a été prise récemment, notamment la fermeture, à la fin de l’année, du bureau qui avait été ouvert pour permettre les rapatriements - vous voyez parfaitement de quoi il s’agit.
Troisième point : la coopération internationale.
Là encore, la France est engagée en matière de coopération internationale pour lutter contre la fraude fiscale. J’en veux pour preuve les initiatives prises en 2012 dans le cadre du G20 et de l’OCDE. J’en veux pour preuve l’élaboration de la norme de 2014 dans le cadre de l’OCDE, norme internationale d’échange d’informations. J’en veux encore pour preuve les initiatives prises par la France, plus récemment, pour mettre en place un cadre fiscal adapté aux géants du numérique.
Cette coopération internationale doit se poursuivre ; nous y sommes déterminés. Vous avez évoqué un certain nombre d’instruments pour mettre en œuvre cette coopération internationale. En réalité, elle existe déjà et s’inscrit dans le cadre de l’OCDE. Je pense que c’est le bon cadre.
Faut-il aller plus loin ? Sans doute. Faut-il faire preuve d’encore plus de volonté ? Sans doute. Encore une fois, je veux le dire, l’objectif du Gouvernement est de faire en sorte que la loi fiscale soit respectée, que ceux qui veulent enfreindre la loi ou aller tutoyer sa limite en passant du mauvais côté soient sanctionnés, mais ce n’est pas autre chose que cela. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la réplique.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, tout le monde sait. Donc vous nous dites votre volonté, mais, au-delà de la volonté, il faut des actes. C’est ce que nous attendons de vous !

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