lundi 8 janvier 2018

Le gouvernement se tait sur les chiffres du chômage

La croissance économique accélère, sans faire baisser le chômage. Le gouvernement ne commente pas, les privés d'emploi et les précaires manifestent.
Dares indicateursnovembre 2017, no 075.
La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ne commentera plus l'indicateur de Pôle emploi  et Emmanuel Macron donne rendez-vous «dans un an et demi, deux ans» pour constater la «plénitude des réformes qui sont en train d'être menées». Sur le chômage, inutile d'ici là d'espérer discuter chiffres : «On ne juge pas l'action d'un président sur un indicateur», a-t-il déclaré. Mais, derrière les statistiques, il y a des vies. Le 2 décembre dernier, comme chaque année depuis quinze ans, à l'appel d'AC !, de l'APEIS, de la CGT Chômeurs et du MNCP, plusieurs centaines de personnes venues de toute la France ont manifesté à Paris «contre le chômage et les précarités et pour de nouveaux droits sociaux».

L'indicateur fait le yoyo

Faute de s'expliquer leur extrême volatilité dans une phase de croissance, certains économistes et statisticiens trouvent que les chiffres du chômage publiés par Pôle emploi et le ministère du Travail (Dares) sont peu pertinents. En effet, depuis le début de l'année, l'indicateur fait le yoyo : alors qu'en septembre, les jeunes de moins de 25 ans et les seniors demandeurs d'emploi avaient bénéficié de la décrue du chômage, leur nombre augmente respectivement de 0,4 % et de 0,5 % en octobre. De même, après une embellie en septembre (1,8 %) le nombre de demandeurs d'emplois inscrits à Pôle emploi en catégorie A (sans aucune activité et tenus de chercher un emploi) progresse en octobre (+ 0,2 %) pour atteindre un total de 3,48 millions. S'y ajoutent 2,13 millions d'actifs exerçant une activité réduite (catégories B et C) soit 5,61 millions de personnes au chômage en France métropolitaine, 6,28 millions en comptant celles qui ne sont pas tenues de rechercher un emploi (catégories D et E). Et un peu plus de 10 millions en comptant les précaires qui ne s'inscrivent même plus à Pôle emploi.
Le ministère du Travail, qui ne communique plus sur les chiffres de Pôle emploi, recommande de «toujours privilégier les évolutions en tendance, sur trois mois minimum, plutôt qu'au mois le mois». Certes, sur les trois derniers mois, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi recule de 1 %. Mais aucune dynamique ne se dégage. Si pour les moins de 25 ans la tendance reste bonne sur un an (– 4,1 %), la situation des seniors face au chômage demeure préoccupante : + 0,8 % sur le trimestre et + 3,3 % sur un an.
Une approche par catégorie montre qu'au cours des trois derniers mois, le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A baisse de 1 %, tout comme celui des inscrits en catégorie B (activité réduite de 78 heures par mois au maximum) avec – 1,3 %, mais, a contrario, le nombre de personnes inscrites en catégorie C (activité réduite de 78 heures ou plus dans le mois) augmente de 2,8 %. Au bout du compte, sur un an, le nombre de chômeurs décroît à peine.
Informations rapides-InseePrincipaux indicateurs, 16 novembre 2017, no 302.
L'Insee observe la même stagnation et évalue le taux de chômage (au sens du BIT) au troisième trimestre 2017 à 9,7 %, comme en 2016. Et ce, en dépit d'une croissance revue à la hausse pour 2017 (1,8 % contre 1,1 % initialement prévu).

Mesures gouvernementales incohérentes

Ce paradoxe s'explique en partie par des mesures gouvernementales incohérentes. L'Insee note que le très faible effet «favorable apporté par le CICE et le pacte de responsabilité» a été compensé par «l'effet défavorable de la suppression de la prime à l'embauche dans les PME depuis le 30 juin». Au dernier trimestre, des bénéficiaires de contrats aidés ont perdu leur activité suite aux coupes drastiques du gouvernement dans le dispositif. Enfin, si l'économie va un peu mieux cette année, elle échoue à créer des emplois de qualité. L'augmentation continue, depuis 2008, du nombre de chômeurs des catégories B et C en atteste (il est passé de 1 à 2 millions), de même que l'envolée des emplois intérimaires au deuxième trimestre 2017.
C'est un fait : conjuguée aux politiques menées par les gouvernements successifs (l'actuel compris), la reprise économique produit de l'emploi précaire. Qu'à cela ne tienne. Les chômeurs sont suspectés de tricher – des allégations démenties par toutes les enquêtes ; un contrôle accru de leur « recherche active d'emploi » est demandé ; des responsables politiques les dénigrent publiquement…

Un emploi, c'est un droit !

Promotion du travail indépendant, baisse des APL… «Avec Macron c'est la pauvreté en marche!» dénoncent AC !, l'APEIS, la CGT Chômeurs et le MNCP, qui rappellent qu'«un emploi, c'est un droit!» Rejoints par une délégation du syndicat italien Union syndicale di base venue manifester avec eux, ils réclament la gratuité des transports publics et l'application du droit au logement, l'accès à des emplois de qualité et à des formations choisies, qualifiantes et diplômantes, une indemnisation pour tous sur la base du Smic, une «véritable et nouvelle réduction du temps de travail… Autrement dit, une autre politique.
N'en déplaise à Emmanuel Macron, la concertation sur sa vaste réforme de l'assurance chômage ne pourra pas faire le silence sur les chiffres. Ceux d'un chômage de masse devenu imperméable aux « embellies » économiques.
Difficile d'accéder à l'emploi« Jusqu'en février dernier, je travaillais chez Marché Frais. C'était un CDD de trois mois, donc je n'ai pas droit au chômage. Je suis au RSA. Auparavant, j'ai été animatrice parce que j'ai le BAFA. Accéder à l'emploi est difficile. Je prends les CDD que je trouve mais en réalité on ne trouve du travail que par piston, par le bouche-à-oreille… Parce que faire des CV… Et avec Pôle emploi, ce n'est plus comme avant. Il faut écrire un mail au conseiller, le rendez-vous est un ou deux mois après et là, il demande où on en est de notre recherche d'emploi…
Mais il n'a pas de solution ! Et l'accès à leurs formations est difficile. Pour y avoir droit, il y a des critères que je ne comprends pas et ensuite il faut passer une sélection d'un niveau très dur. J'ai la chance de pouvoir habiter chez mes parents… mais ce n'est pas le cas de tout le monde et pour les personnes qui ont une famille, c'est vraiment difficile. »
Amal Sayam, 26 ans, La Courneuve (Seine-Saint-Denis)
Formations bidon et offres d'emploi illégales« En 2012 la France a signé le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec la CGT parmi ses soutiens. Mais beaucoup de chômeurs et de personnes précarisées n'y ont pas accès. C'est pourquoi nous les revendiquons : droit au travail, droit à la santé, droit à l'éducation, droit à la culture, droit à l'alimentation, droit au logement, droit aux loisirs… Ces droits n'ont rien de révolutionnaire. Mais pour cela, il faut une protection sociale fondée sur la solidarité, des services publics qui aient les moyens de fonctionner…
Et ne pas vouloir tout céder au privé, qui cherche à gagner de l'argent. Or, Pôle emploi en est venu à proposer des formations bidon et des offres d'emplois illégales… Nous avons mené des batailles là-dessus jusqu'au tribunal. Il y a les GRETA, l'AFPA – qui manque de stagiaires ! – mais Pôle emploi fait appel à des officines de formation privées incompétentes. Cherchez l'erreur… À l'arrivée, c'est un drame psychologique et financier : la formation redonne des perspectives, l'espoir de sortir des boulots précaires, etc. Mais si elle est bidon… Les personnes font des sacrifices pendant des mois et au bout ils n'ont rien. Avec les offres de Pôle emploi, c'est pareil : 60 % sont « illégales » (présentées comme un CDI alors que c'est un CDD, voire un mi-temps…). Mais comme la grande inquiétude des chômeurs c'est d'être radiés… ils acceptent ces offres. Tout cela c'est de l'escroquerie ! »
Philippe Nackaerts, secrétaire général du Comité national CGT des travailleurs privés d'emploi et précaires

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire